Un petit matin de printemps ensoleillé sur un chemin de terre, je marchais lentement.

Les arbres commençaient à bourgeonner et même certains d’entre eux en avance déployaient déjà leurs nouveaux feuillages d’un vert jaune étincelant.

Les fleurs multicolores déjà écloses bordaient ce sentier tortueux qui descendait dans la forêt.

Quelques odeurs suaves venant de toutes parts se mélangeaient savamment à la fraîcheur matinale.

Sous mes pas, des brindilles de branches cassées par le vent d’hiver sonnaient mon avancée.

Les bruits secs s’ajoutaient aux chants de divers oiseaux pressés de refaire leurs nids.

Oui, la saison nouvelle était arrivée, la nature et ses éléments étaient bel et bien réveillés.

Dans ce moment plein de vie où tout me parlait, où tous mes sens étaient alertés pour accueillir et savourer les informations, j’ai ressenti instantanément le besoin de m’arrêter, de faire halte. De m’asseoir sur une grosse souche laissée sur le bas côté et ne rien faire d’autre que d’être là simplement, tout en fermant les yeux pour seulement écouter et profiter largement de ce moment donné.

Que de merveilles naturelles se passèrent dans cet espace-temps vivant. Bien que la chose la plus marquante n’avait rien à voir avec tout ce que j’entendais et ressentais sensiblement.

Assis simplement et détendu sans rien vouloir de plus, j’eus soudainement l’intuition profonde que même présent au déroulement des évènements extérieurs, je n’étais plus vraiment celui qui avait toujours l’habitude de découvrir et de gérer. Tout semblait autre, différent, inconnu du mental, si intense et pourtant si peu dérangeant.

Vide et plein, silence non affecté par les bruits multiples et l’idée répétitive d’interprétation, respiration douce et consciente rythmée musicalement, détente corporelle et sérénité subtile, voilà à peu près tout le perceptible reconnu. Le reste avait tout simplement disparu de mon esprit comme par pur enchantement.

Un bon moment après sans même le décider, le vouloir ou y penser, je me suis levé de mon siège fortuit, remis en route, reprenant tranquillement le chemin de la maison comme si rien ne semblait s’être passé.

Mais une chose avait eu lieu intérieurement et continuait de s’affirmer de mieux en mieux à chaque pas fourni sans que j’en comprenne le sens ou en cherche intellectuellement le pourquoi et le comment. J’étais là tout bonnement sans l’être, un moi absent dans cette présence inexprimable et inexplicable. Ni la sensation d’être heureux ni malheureux d’ailleurs, ni prisonnier ni libéré de quoi que ce soit. Juste Là, nourri de l’instant magique naturel sans pour autant y prendre volontairement part.

Dire Vivant, même pas ! Vécu par un je ne sais quoi d’inqualifiable serait plus adéquat comme terme pour tenter une explicative approximative. Encore un rêve éveillé, même pas ! Plutôt un sortir naturel des rêves pour peut-être s’approcher finalement du rêveur lui-même. Une expérience méditative, même pas ! Plutôt un simple état d’esprit neutre sans heurt et sans pensée, sans condition ni limitation, un espace-temps hors de l’espace temps connu sans demande, sans raison ni désir particuliers. Une énergie indicible peut-être. Une Conscience Impersonnelle sûrement, qui véhiculait alors en tout, partout, embrassant tout, ne faisant aucune sorte de différence ou de distinction entre les éléments naturels, les arbres, les fleurs, les oiseaux, le sol, le ciel, le soleil et moi-même, le Tout en Un se révélant spontanément.

Sans implication mentale ou analytique sur la marche de retour vers la maison et dans cette nouvelle attitude de simple témoin équanime mais jamais autant lucide, je remarquais seulement que je n’allais plus vers quoi que ce soit dans cette marche silencieuse mais au contraire que les choses paraissaient venir à mon encontre. Ou plus justement la simple impression de ne rien faire, de ne pas vraiment bouger, de ne pas vraiment déambuler au travers de quoi que ce soit. Cette sensation-découverte pour ainsi dire sans attache ni interprétation intellectuelle dura quelques heures. Puis un flot d’interrogations sur ce phénomène plus qu’étrange et inédit jusqu’à lors se réveillèrent et fusèrent en mon esprit sans bousculer ou substituer ce nouvel ancrage perceptif et étonnamment serein.

A l’époque de cet évènement marquant, hors du commun et plus que paisible, je m’étais entendu dire d’une voix nette en mon for intérieur : Est-ce vraiment Cela qui nous Vit, qui se Réalise sans cesse par nous et à chaque souffle émis, faisant taire notre dite personne ? Était-ce cela que tous nous désirions trouver, ce trésor intérieur caché, le cherchant éperdument dans le monde rêvé dit extérieur ? À vrai dire, je ne le savais pas du haut de mes vingt trois ans (en 1983) car de ce nouveau point de vue qui subitement m’apparaissait comme l’évidence même et de je ne sais où, sur ce petit chemin de terre voué à lui seul, je commençais à peine de découvrir et de saisir autre chose d’inhabituel à vivre. À saisir intimement que ce Moment Simple comme Spontané, cette Présence à soi sans intention, ce réveil naturel à l’Unité ne se comprenait pas vraiment par le mental, ne se définissait pas avec des mots si beaux et si éloquents soient-ils. À saisir que cela ne se concevait pas par une philosophie intellectuelle de bas étage ni par une théologie dite religieuse apprise par cœur. À saisir aussi que cela n’avait rien à voir avec une science exploratrice des phénomènes ou par une connaissance spirituelle dite méditative à paliers. À saisir encore que ce n’était pas du domaine d’une croyance hypothétique prometteuse de paradis artificiels ou autres cultes traditionnels à durée indéterminée, qui laisse présager suite aux efforts fournis, aux rituels comme aux sacrifices obligatoires, un éden mérité dit salutaire.

Si j’écris ce livre bien que je ne sois pas écrivain, érudit, philosophe ni éducateur spirituel de renom, juste un simple réaliste autodidacte quelque peu artiste peintre qui vit son temps imparti comme il se présente, c’est que j’ai affiné studieusement et profondément ce Regard Intérieur Lumineux sans bornes puis retiré au fur et à mesure de mon introspection, les nombreuses scories psychiques référentielles adoptées qui l’empêchaient de resplendir de lui-même.

Par la Grâce Divine de Ce Grand Guide Sri Nisargadatta Maharaj, j’ai reconnu au-delà de l’idée fragmentaire prisonnière d’elle-même, au-delà des rêves les plus fous enregistrés pour devenir quelqu’un d’importance aux yeux d’autrui, ce sentiment vivant de Présence Ineffable et Impersonnel, ce JE Inconditionnel Intangible qui anime sans fin chacun comme chacune en le Je Suis manifeste.

Pendant plus de douze ans, telle une graine en son sol entretenu d’attention, attendant naturellement sa germination, j’ai gardé sans réellement l’avoir décidé, le silence sur cette Re-connaissance Impersonnelle. Je n’ai répondu en fait qu’à la demande qui survenait petit à petit lors de stages de créativité picturale que j’anime, devenu L’Art-mano thérapie par la suite, à quelques curieux qui ressentaient une ambiance inhabituelle lors d’exposition de mes peintures intuitives ainsi qu’à certains proches qui avaient découvert un changement radical de mon comportement pas très sociable d’avant.

Lors de ma pérégrination méditative, j’ai eu le privilège de rencontrer Manette, cette femme volontaire ayant l’esprit en forme de cœur, qui m’accompagne depuis lors et participe studieusement à cette découverte vitale inestimable. Elle a collaboré à la correction littéraire de cet ouvrage comme des autres qui suivent et participe en toute confiance à notre transformation caractérielle conjointe.

Si Je témoigne aujourd’hui de Cela qui nous Vit avec la plus sincère gratitude c’est que si j’ai pu accueillir et reconnaître ce pur joyau, cette perle rare alors que toute ma vie ne semblait vouée qu’à l’échec, qu’à la déroute jusqu’à la démence, c’est que tout le monde en a la potentialité et l’opportunité, même pour les cas qui paraissent les plus désorientés, les plus désespérés comme les plus pervertis.

Dans ce monde mentalisé illusoire où règne en Maître le profit, la compétition, l’angoisse, la promesse, la peur, la haine et le mensonge, il est difficile de déranger ceux qui dorment et qui se complaisent malgré tout dans leur sommeil hypnotique. Mais l’Urgence de Se Voir réellement et de se Réveiller à leur Nature Véritable fait que je ne peux faire autrement que de les prévenir de l’absurdité de se vivre sous le régime égotique destructeur et qu’il est vraiment possible d’y remédier sans peur et sans effort. L’ego est le cancer de l’esprit endormi qui se pense éveillé.

Mon seul intérêt à poursuivre dans ce corps limité et maintenant fragilisé par les carences dues à une jeune enfance maltraitée est d’appuyer fortement ce Message Simple : Oui, il est Vraiment Possible de Vivre une Nouvelle Version de Soi-même comme d’être définitivement Libre de l’ancienne. Ce message offert n’est là que pour encourager tous ceux et celles qui n’ont plus beaucoup confiance en eux-mêmes comme à la Vie Offerte.

Je dois souligner afin de ne pas tromper ceux et celles qui liront ces propos, ces textes méditatifs quelque peu révolutionnaires dans le phrasé, que depuis la Re-connaissance intuitive ou la Compréhension non intellectualisée, surtout libre d’interrogation comme de croyance personnelle, je ne cherche plus à vivre d’après on-dit ni dans le désir que les choses se concrétisent selon mon bon vouloir. J’avance à mon pas sans forcer quoi que ce soit dans ce vaste inconnu ne sachant rien de ce qui suit, chaque seconde est pleine comme nouvelle, et je l’apprécie ou pas sans m’y accrocher pour autant. La seule connaissance qui m’accompagne durablement ce jour est que Seule la Source Impersonnelle Est, qu’Elle seule Sait le tenant comme l’aboutissant. En mon cœur, Seule prévaut la Volonté du Ciel et son expansion. Depuis lors et sans retenue mais seulement s’il y a demande, je donne le mieux possible ce que je reçois intuitivement au quotidien. Je n’impose surtout rien à autrui, j’informe seulement Ce Tout Possible dans Ce Présent Inconditionné non entaché par l’idée.

Seul l’imprévisible est réel, Soyez juste Là dans votre maintenant pour l’accueillir pleinement dit avec clarté Celui qui m’a ouvert l’Œil du Cœur, Sri Nisargadatta Maharaj.

Et pour finir ce petit exposé participatif, ce témoignage neutre, je peux confirmer avec un Grand OUI, comme évoqué plus haut, que le Simple comme le Spontané, l’Instant Magique dit l’Ici-Maintenant, le Réveil Intemporel ou la Présence naturelle à soi, s’exprime et s’étend pleinement à chaque souffle qui se crée, à chaque pulsion du cœur et ceci en deçà de toute manipulation identificatrice, en deçà d’une dite volonté personnelle idéaliste en quête de ceci ou de cela, en deçà de toute influence déroutante qui nous pousse sans cesse à devenir autre que soi-même.

Si c’est Cela l’Etreté Suprême, ce Dieu Universel Incolore tant recherché par la majorité des êtres humains qui ne prennent pas assez le temps pour s’arrêter sur leur propre petit chemin, pour faire une halte paisible sur eux-mêmes, en eux-mêmes, pour s’écouter plus attentivement, alors sachez chers compagnes et compagnons de route temporels, frères et sœurs de l’Intemporel, qu’il n’y a rien de plus simple, rien de plus évident et rien de plus important que d’accueillir et de reconnaître ce Soi Réel pour Ce qu’il Est car Il fut toujours Là et le sera à jamais. Et une fois remis à sa juste place de Guide Réaliste par le Je Suis, il est juste besoin de se laisser porter puis bercer divinement par Lui tout en Suivant lucidement et tout simplement le courant proposé, que celui-ci soit d’air ou d’eau.

Ne suivez pas seulement, Soyez Simplement et le reste suivra !

Nous informe intérieurement et sans retenue, Le Maître Conscience ou Unificateur qui prend tous les visages et tous les noms sans n’en retenir aucun. 

Expérience révélatrice de témoin tiré du livre "Notes sur le chemin"